Histoire des arts - Grille de lecture
Approche informative - Ce que l'on apprend
Titre, dimensions et lieu de conservation de l’œuvre.
Inconnu à cette adresse (Address unknown)
Date de réalisation, genre artistique, origine de l’œuvre.
Parution aux USA en 1938 dans un magazine puis en format livre l’année suivante : succès immédiat
Parution en France en 1999
Il s’agit d’un court roman (ou nouvelle) épistolaire, c’est-à-dire que l’histoire progresse par l’échange de lettres.
Le point de départ de l’écriture a été d’abord un sentiment de révolte face à aux événements qui se déroulaient en Allemagne dans les années 30 ; ayant appris que des étudiants américains avaient mis en danger leurs correspondants allemands parce qu’ils s’étaient moqués de Hitler dans leurs lettres, K. Kressman a décidé d’écrire une histoire basée sur l’arme que peut constituer une correspondance.
Identité et vie de l’artiste :
Kathrine Kressmann est américaine, née en 1903 et morte en 1997. Sa famille, américaine d’origine allemande, lui permet de faire des études universitaires (de lettres et de journalisme) ; K. Kressmann est donc issue d’un milieu aisé et progressiste. Elle devient journaliste, écrit, et après la guerre, elle est la première femme à obtenir un poste à l’université de Gettysburg.
Lors de la parution d’Inconnu à cette adresse, son éditeur et son mari, Elliot Taylor, lui conseillent de ne pas révéler qu’elle est une femme : il était peu avouable qu’une femme ait pu écrire un texte aussi engagé. Le roman paraît donc sous le nom Kressmann Taylor.
La société de l’époque :
Le roman paraît en 1938, c’est-à-dire juste avant le début de la seconde guerre mondiale. La situation internationale est tendue et inquiétante. K. Kressmann suit les changements qui s’opèrent en Allemagne et s’en inquiète. En 1933, Hitler a accédé au pouvoir : il applique son idéologie raciste et impose sa dictature : suppression de la liberté de la presse, ouverture de camps de concentration, lois anti-juives, censure.
Approche descriptive - Ce que l'on voit d’important
.
L’histoire débute par une lettre datée du 12 novembre 1932 et s’achève par la lettre renvoyée le 18 mars 1934 : elle dure donc 6 mois.
Martin Schulse et Max Eisenstein ont ouvert une galerie d’art à San Francisco et sont liés, au début de l’histoire, par un fort lien d’amitié. Martin vient de revenir dans son pays natal, l’Allemagne, avec sa femme Elsa et leurs 3 enfants. Il est choqué par la désastreuse situation économique qu’il découvre, mais il peut y vivre comme un millionnaire. Il tente d’analyser au début la montée en puissance de Hitler mais se laisse vite convaincre et il devient un ardent défenseur des idées du national-socialisme. Il prend alors ses distances avec Max parce qu’il est juif et quand ce dernier lui demande d’aider sa sœur, Griselle, Martin refuse et Griselle meurt devant chez lui. Max met alors au point sa vengeance : il écrit à Martin, à son domicile, des lettres incompréhensibles signées de son nom juif facilement identifiable. La censure croit qu’il s’agit d’un code et Martin est arrêté. Martin le supplie d’arrêter au nom de leur amitié et des valeurs humanistes. Mais Max persiste et sa dernière lettre lui est retournée avec la mention « inconnu à cette adresse » : Martin et sa famille ont été arrêtés, ont disparu, sont morts, tout comme Griselle.
Lettre 1 à 5 : l’amitié intacte
Lettre 6 à 12 : la rupture
Lettre 13 à 19 : la vengeance
Épilogue : disparition de Martin
Représentation du 20 mai par la compagnie Blouses en scène
Quels sont les choix de mise en scène ? Qu’apportent-ils au texte ?
La compagnie Blouses en scène propose une adaptation théâtrale qui reste très proche du texte : ce sont les lettres, quasi intégrales, que les comédiens interprètent. La mise en scène est construite sur l’alternance des lettres : l’un annonce le destinataire, dit sa lettre comme s’il était en train de l’écrire, l’autre est assis pendant ce temps comme s’il lisait cette lettre. La communication par correspondance est ainsi nettement indiquée.
Max porte une chemise blanche et un gilet de costume soyeux, aux couleurs claires : allure joyeuse
Martin porte un costume noir, une chemise blanche et une cravate rouge : allure stricte
Le décor est constitué de deux tables où l’on voit Max et Martin écrire. Elles sont disposées face au public, légèrement tournées l’une vers l’autre.
Les éléments réalistes permettent de créer le contexte : le poste TSF, les différents tableaux posés sur des chevalets viennent rappeler que Max et Martin tiennent une galerie d’art..
La mise en scène indique la progression dramatique grâce à plusieurs procédés :
dans la première partie, quand les deux personnages écrivent, ils ont un verre à la main, se resservent du vin ou du whisky, pour signifier que leur amitié est intacte ; à deux reprises, ils lèvent ensemble leur verre « de l’amitié ». Des tableaux sont disposés sur la scène pour rappeler que les personnages sont marchands et amateurs d’art : on voit d’abord « la vilaine madone » vendue à Mme Fleshman, puis, les tableaux d’art moderne envoyés par Martin à Max.
sur le bureau de Martin, est posé un petit tableau : au début il s’agit d’un paysage, ensuite il est remplacé par un portrait d’Hitler pour montrer son ralliement au nazisme.
De même, Martin déploie un drapeau nazi sur son bureau lorsqu’il défend l’idéologie nazie.
De courts morceaux musicaux ponctuent l’évolution de l’histoire : un air joyeux au début quand l’amitié est intacte, un extrait de la chanson « Lily Marlène » au moment où Martin proclame son ralliement à Hitler.
Les comédiens changent également d’attitude au fil de l’histoire : au début, ils sont souvent tournés l’un vers l’autre : on comprend qu’une véritable amitié les unit et que, même s’ils ne se voient pas, ils échangent sincèrement. Puis, Martin tourne ostensiblement le dos à Max lorsque celui-ci l’appelle à l’aide pour Griselle ; et pour finir, Martin se jette aux pieds de Max lorsqu’il le supplie de cesser d’envoyer ses lettres compromettantes mais Max reste de marbre.
À la fin, Martin quitte la scène juste avant qu’une voix enregistrée annonce que la dernière lettre de Max lui est revenue avec la mention « inconnu à cette adresse ».
L’adaptation théâtrale permet de faire vivre les lettres par la mise en voix des comédiens.
Le décor, les objets et le jeu des acteurs mettent l’accent sur l’évolution de la situation et des personnages.
Approche sensible - Ce que l'on ressent
Les sentiments des personnages :
la joie d’une amitié sincère et partagée ; le fanatisme inhumain des nazis ; la souffrance et la colère de l’ami trahi ; le désespoir affolé du puissant qui a perdu son pouvoir
Approche interprétative - Ce que l'on pense
On peut comprendre cette histoire comme un appel de l’auteur au peuple américain pour qu’il s’intéresse à ce qui se passait en Europe et en particulier en Allemagne en 1938.
Cette histoire propose également une réflexion sur plusieurs thèmes :
Le nazisme et le totalitarisme : comment peut-on devenir nazi ? Comment un dictateur peut-il arriver au pouvoir ?
L’amitié, la vengeance : la vengeance de Martin est-elle justifiée ?